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L’Oreille de Moscou
L’Oreille de Moscou
13 décembre 2017

Chemirani/Lopez/Petrakis "Taos"

Trio_Lopez_e1510414495533

label / Molpe Music & Full Rhizome

distributeur / Buda Musique

contact / BF

 

 

des mots


 

Voici un disque de pure beauté luxuriante, élégant comme un fantasme inassouvi, la simple somme triomphante d'une rencontre. Celle de trois artistes au sommet de leur art.

Stelios Petrakis, virtuose du laouto (luth) crétois, et de la lyra, cette petite vièle elle aussi venue du fond des âges crêtois. Bijan Chemirani, bien connu de nos services, joueur de zarb, bendir, daf et autres dolra. Autant de noms d'instruments qui, rien qu'à leur évocation, poussent vers des voyages délicats. Imaginez alors ce qui se passe dès que Bijan se met à en jouer. Enfin, Efren Lopez, derrière les manettes de ce disque et multinstrumentiste qui s'adonne ici à la vielle à roue, au saz, ou ou encore au rabad afghan, sorte de luth à manche court, taillé dans du bois de mûrier, une peau de chèvre collée faisant officie de table d'harmonie. Tout un programme !

Enregistré entre l'Espagne et la Crête, on comprend très vite que le trip sera méditerranéen. Mais pas que. De Syrie, au Liban en passant par le Kurdistan turc et l'Arménie, c'est une véritable odyssée sonore et palpitante que nous offrent nos trois héraults. Ode à la fragilité, à la puissance de l'esprit, à la beauté de l'étrangeté, Taos célèbre la vie et cet "amour doux" qui devrait être plus souvent son hymne.

Dès les premières mesures de Helicobtir, morceau introductif d'Efren Lopez, dont le titre fait référence au nom populaire des libellules en dialecte arabe des Pays du Moyen-Orient, et en filigrane au droit de chacun à la vulnérabilité, les conditions du périple sont posées. On s'assoit le cul sur le péron pour contempler le coucher de soleil ...Ou son lever. On ferme les yeux, et le film en technicolor flashe et déroule mille histoires. Des temps immémoriaux remontent une myriade de sensations, on imagine alors nos aïeux les ayant eux-aussi ressentis avant nous. C'est sublime. C'est bon d'être auprès d'eux !

La musique du trio est sans doute savante, mais on la reçoit sans pesanteur, vous l'aurez senti. On est même emporté par le lyrisme du cadeau dans une envie dingue de danser. Surtout, on n'éprouve jamais la douleur d'une juxtaposition d'éléments disparates : le trio est ici un instrument à part entière. Et Taos devient un disque iridescent, rayonnant d'harmonies virtuoses lorsque nécessaire, plus retenues et suaves quand il convient de l'être.

Les musiques porteuses de telles valeurs fortes, sophistiquées et conscientes du passé, esthétiques et morales, sont rares. A l'heure des folles aventures technologiques et de leurs conséquences intimes et politiques - en gros, notre asservissement collectif à l'angoisse - Taos devient essentiel.

Vous l'aurez compris, on adore !

 

du son


 

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